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2.1.1. Gérer des exercices différenciés

Réflexion personnelle : Les séances d'exercices (pourtant indispensables pour asseoir un nouvel acquis) favorisent plus que toute autre activité, l'inégalité dans l'apprentissage. Ils ne sont, classiquement favorables qu'aux quelques élèves qui ayant acquis moyennement la nouvelle matière sont à même de l'appliquer et de profiter de la séance d'exercices pour affiner et/fixer les nouvelles connaissances. Les enfants qui n'ont pas compris, qui sont dépassés par la nouvelle matière, seront encore plus perdus pendant les exercices d'application. Les enfants qui ont parfaitement compris, intégré et sont capables de transférer le nouvel acquis vont perdre leur temps pendant la séance d'exercisation et celle-ci deviendra donc génératrice d'ennui. Combien d'entre nous ne se sont pas exclamés "Parsembleu, mais c'est un bon élève alors pourquoi cochonne-t-il ainsi sa feuille ou pourquoi est-il si indiscipliné ?"

C'est pourquoi, depuis plus de vingt ans, je m'efforce de différencier ces séances d'exercices.

1. Différencier dans le temps.

Pour gérer la différenciation dans le temps, il faut impérativement différer la partie "exercices "de la partie "apprentissage-découverte" d'une leçon (voir aussi - l'apprentissage auto-socio-constructif). Cela veut dire, qu'une nouvelle leçon ne sera pas suivie immédiatement des exercices d'application. Ceux-ci seront réalisés par les élèves (lesquels ?) plus tard - le lendemain, la semaine suivante - tous à un moment différent.

• Première possibilité d'organisation

Pour chaque leçon d'apprentissage que l'enseignant donne, prévoir la "feuille d'exercice" d'application. Ne pas la donner tout de suite mais la donner la semaine suivante en même temps que les feuilles d'exercices des autres activités d'apprentissage de la semaine plus quelques feuilles d'exercices de drill.

Dans la grille de la semaine, prévoir des moments d'exercisation où les enfants peuvent faire la feuille d'exercices de son choix.

Inconvénients ? Cette manière de vivre les exercices est une étape rassurante pour l'enseignant qui veut se lancer dans la différenciation, mais ne nous leurrons pas, vécue tel que décrit ci-dessus, elle n'est pas différente, pour les enfants, des exercices donnés en fin d'activité (voir remarque préliminaire). Ceux-ci ont seulement l'impression d'avoir un peu plus d'autonomie et de possiblité de choisir.

Avantages ?:

* Cette méthode peut devenir une vraie occasion d'apprentissage de l'autonomie si plutôt que de donner le tas de feuilles à faire, l'enseignant donne à chaque enfant un "plan de travail" où sont indiqués pour la semaine : le travail à accomplir, la branche concernée, où trouver le matériel pour réaliser le travail demandé et quels documents de référence utiliser. Ce plan de travail que l'enseignant peut garder comme référence pour le suivi de l'enfant, peut aussi contenir les résultats et remarques faites après correction.

* Cette méthode tient de la classe à gestion participative si l'enfant a la possibilité, après discussion avec l'enseignant, de choisir de ne pas faire une feuille (parce qu'il n'a pas ou qu'il a trop bien compris) ou même de faire pendant la période exercisation un travail qui n'est pas prévu dans son plan de travail donné par l'enseignant.

* Cette méthode favorise la démocratisation de l'apprentissage si l'enseignant profite de ces périodes d'exercisation par plan de travail pour organiser des groupes de remédiation pour les enfants en difficultés. Moment favorable puisque les autres enfants sont "occupés" utilement pour chacun - ceux qui ont besoin de fixation font leurs exercices - ceux qui avancent bien peuvent faire une autre activité de leur choix de manière autonome.

• Seconde possiblité d'organisation

A la fin de chaque leçon d'apprentissage, faire une évaluation de l'acquis de chaque enfant.

Les enfants sont invités à comparer leur représentation initiale du savoir à construire et la représentation nouvelle de celui-ci. (voir stratégie de leçon auto-socio-constructive)

Les enfants s'expriment quand aux démarches mises en place, aux difficultés rencontrées, aux désirs de prolongements et/ou de nouvelles activités à mettre en oeuvre,...

L'enseignant prend note - au tableau, sur une feuille collective, dans un cahier prévu à cet effet - des demandes des enfants. Le fait d'écrire devant eux est important car :

• cela permettra à l'enseignant de mieux cibler les exercices à donner
• cela permettra aux enfants, plus tard, au début de l'activité d'exercisation de contextualiser le besoin
• l'enfant se sentira respecté dans ses besoins (cette conscience est importante pour la relation prof-élève)
• cela rendra cohérents les exercices à réaliser

Dans une grille d'évaluation, l'enseignant notera les besoins des enfants. Quand l'enseignant prépare le plan de travail d'exercisation de l'enfant, il tiendra compte de ces besoins. Surtout, dans le cadre d'une différenciation uniquement dans le temps, il ne donnera pas d'exercices sur une matière aux enfants qui n'ont pas compris ni à ceux qui ont très bien acquis et qui perdront leur temps en exercices inutiles pour eux. Ceux qui n'ont pas compris auront leurs exercices plus tard, une autre semaine, apèrs une nouvelle leçon de découverte appropriée à leurs besoins. Ceux qui ont compris auront, peut-être, beaucoup plus tard dans l'année, la feuille d'exercices pour se remémorer de manière autonome la matière vue.

Inconvénients - Cette méthode demande une pratique d'écoute active de l'enseignant et une certaine rigueur dans l'organisation afin de respecter les besoins et les rythmes des enfants. Pour pouvoir suivre l'évolution des enfants, il est possible d'organiser un tableau à double entrée avec en ordonnée les noms des enfants et en abscisse les références des feuilles d'exercices. On peut indiquer dans une case, les exercices réalisés, (les résultats ???) , les exercices inutiles pour certains (exercices de dépassement ou de remédiation), les limites dans le temps (à faire pour...). E, jouant sur le graphisme et la couleur, il y a moyen de tout insérer dans un seul tableau. Par exemples : exercice réalisé (un V), les résultats (case coloriée orange, vert, rouge), exercices inutiles (une X), limites dans le temps ( date) ...

Avantages - Tous les enfants (j'ai travaillé en milieu défavorisé et même avec des caractériels dans l'enseignement spécial), parce que respectés dans leurs besoins et leurs rythmes, accepteront ces séances d'exercices. Quand on pense à l'énergie que chaque enseignant dépense à prévoir et construire ces feuilles d'exercices, on peut comprendre que celui-ci soit démotivé lui-même quand les enfants remettent "des feuilles avec n'importe quelles réponses, ne corrigent même pas les exercices incorrects, rendent un torchon," bref ne se sentent pas respectés dans leur travail.

Cette méthode deviendra pour les enfants une vraie démarche autonome et pour tout le groupe (enseignant et enfants) une vraie gestion de classe participative si, à la fin de l'activité de découverte, l'enseignant invite l'enfant à compléter son cahier "plan de travail" avec le titre, les références, le délai maximum et l'objectif des exercices à faire (ceci déjà même sans différencier les contenus). Pendant les périodes d'exercices prévues dans l'horaire, chaque enfant saura où trouver et pourquoi faire les exercices. Pendant ce temps, l'enseignant libéré d'une majorité de ses élèves pourra individualiser son enseignement pour les enfants en difficulté. Le temps "perdu" à l'évaluation et l'élaboration du plan de travail à la fin de chaque activité de découverte est vite regagné en exercices puisque les enfants sont motivés (donc gain de temps en discipline) et autonomes (gain de temps en organisationnel).

2. Différencier les contenus.

Pour différencier les contenus, il faut que l'enseignant prenne le temps d'observer les enfants afin de déterminer quels sont les problèmes qu'il est possible de rencontrer pour chaque apprentissage et qu'il puisse prévoir un bagage assez important d'exercices pour chaque activité.

• Première possibilité d'organisation : la différenciation intuitive et immédiate.

Pendant la leçon (de découverte ou d'exercices), en observant l'enfant, on se rend compte qu'il ne comprend pas, qu'il a compris plus vite que les autres, qu'il a des lacunes antérieures,.... Au cours de la même leçon, l'enseignant peut dire à l'enfant : "j'observe ceci.... je te propose de faire plutôt cet exercice-là....pour que tu comprennes, pour que tu ne t'ennuies pas parce que tu connais, parce que cette leçon est encore trop tôt pour toi,..."

On peut simplement varier la quantité (d'exercices, de défis, de problèmes,....), varier les méthodes (utiliser outils de référence, explications par un condisciple, explication individuelle, manipulations, utiliser les analogies,....) ou varier le niveau taxonomique (appliquer, inventer, transférer,...)

Inconvénients : L'enseignant n'a pas de suivi à long terme de l'enfant. Il répond intuitivement à la demande immédiate mais ne résoud pas les problèmes profonds et récurrents de méthodes et/ou de matières.

Avantages :

* L'enfant se sent respecté dans ses démarches et ses acquis. Il est alors plus concerné par ses apprentissages. Si en plus l'enseignant lui permet de s'exprimer par rapport aux démarches et au contenu, l'enfant devient véritablement acteur de son apprentissage.

* En permettant à l'enfant de différer dans le temps - un exercice non terminé ou non compris, une leçon pour lequel il n'a pas les pré-requis suffisant, une activité synthèse pour laquelle il n'est pas prêt - après discussion entre l'enseignant et l'enfant & organisation d'un "plan de travail", on arrive à une gestion participative de la classe et une démocratisation de l'enseignement qui permet à chacun d'être apprenti plutôt que d'être un exécutant pour répondre à une norme conventionnelle.

• Seconde possibilité d'organisation : la différenciation conscientisée et planifiée

En cours d'activité et en fin d'activité, l'enseignant observe les enfants de sa classe et note les besoins des enfants. (un truc pour celui qui n'a pas de mémoire : avoir toujours sur soi, un petit carnet où noter au fur à mesure les observations faites). En fonction de ces observations, prévoir des activités appropriées à chacun des enfants et les planifier dans le programme de la semaine dans le cadre d'activités d'exercices et/ou de remédiations. Pendant ces périodes les enfants qui n'auraient pas rencontré de difficultés ou ce type de difficultés seraient "occupés" à faire des activités en fichiers (technique de lecture, techniques d'orthographe, techniques de calcul mental, techniques de calcul écrit)

Inconvénients : Si l'enseignant veut tout gérer tout seul, cette méthode devient vite très lourde à gérer parce que très vite, on se rend compte que les contenus sont différents par enfant, par matière et par période de l'année. Les différences s'accroissent, quand on les respecte vraiment, à une vitesse exponentielle.

Avantages : La seule manière (pour moi) de gérer ces différences, sans y investir trop d'énergie et de temps est de faire confiance aux enfants et de dialoguer beaucoup avec chacun d'eux (en plus de mes observations d'adulte)

* l'enfant devient motivé parce que respecté dans ses différences

* l'enfant devient autonome et acteur de ses apprentissages en gérant ses activités par un plan de travail construit en collaboration étroite avec son enseignant (un quart d'heure de discussion/planification par semaine pour les enfants en difficulté - la plupart des enfants après quelques semaines se débrouillent tout seuls et je leur fais confiance).Lors de cette activité-planification, l'enfant et l'enseignant prennent conscience des lacunes et des acquis et planifient les remédiations, apprentissages et avancements nécessaires. Ce plan de travail est différent pour chaque enfant qui a à sa disposition en classe des fichiers, des livres, des outils de référence, ... . Dans le cadre de l'horaire de la semaine, on peut prévoir des activités de découvertes (commune à tout le groupe/classe), des activités de différenciations (chacun travaille selon son plan de travail) ou même des activités où un groupe est en activité/plan de travail et un autre groupe en activité classe avec l'enseignant.

* le travail de l'enseignant, de par la confiance qu'il accorde aux enfants, devient moins fastidieux. Pour le suivi de l'enfant, il y a déjà le plan de travail propre à chaque enfant mais on peut y ajouter une grille d'évaluation par objectifs commun à la classe qui permettra à l'enseignant d'avoir à chaque moment une vue globale des acquis des enfants de sa classe. Cette grille est un tableau à double entrée avec en abscisse les objectifs poursuivis et en ordonnées les noms des enfants. En coloriant les objectifs atteints on a d'un coup d'oeil une vue d'ensemble des acquis de sa classe.

 3. Différencier dans l'espace

Pour organiser de façon pratique la différenciation des contenus dans le temps, il est utile d'organiser autrement sa classe. Il faut prévoir une partie où un groupe peut suivre une activité dirigée par l'enseignant, une autre partie où les enfants pourront travailler individuellement en suivant leur plan de travail et où ils trouveront tous les outils nécessaires à leur activité (livres, fichiers, outils de référence, tableaux d'organisation,...) et enfin une troisième partie (par exemple un couloir, un autre petit local) où des enfants pourraient travailler par paires à des projets individuels, à des activités de découverte / dépassement, d'expérimentation,... Ainsi à chaque période de la journée, l'enseignant pourra veiller à une bonne ambiance de travail parce que conscient de ce qu'il attend de chaque enfant de par la situation géographique qu'il occupe dans la classe. De plus, chaque enfant sera d'autant plus autonome qu'il saura où trouver seul les documents nécessaires à la réalisation de son travail et les règles de savoir-être que l'on attend de lui dans chacune des zones définies dans la classe.

+++ : Questions et réactions de : Alison, Amandine, Anne-Sophie, Aurélie (2x), Bérénice, Candice, Chloé, Cyrielle, Emilie (3x), Hélène, Marie-Odile, Noémie, Séverine, Stéphanie, Bruno, David, Régis, Jean-Philippe, Jérémy, Maxime - élèves de C. Watthez